dimanche 25 janvier 2009

Achtung!

Ceci n'est pas un blog politique.

On n'a jamais parlé de politique au Liban.

On parle seulement de pouvoir.

samedi 24 janvier 2009

Le Beyrouth de Pap

Chaque fois que je reviens chez mes parents apres une longue absence, je prends au hasard un des livres dans la bibliotheque du salon; en realité, il s'agit très souvent du même: "Le Beyrouth des Années 30".

Un recueil de photographies en noir et blanc du Beyrouth d'antan. Beyrouth y apparait comme une ville-jardin, calme et sereinement orientale. Il y a comme un peu de Paris et de Byzance dans les couleurs, les personnes et les vêtements.

Je m'amuse à tourner et retourner les pages; je m'attarde sur certaines photographies et y scrute les moindres détails: un bonhomme en tarbouche que je n'avais jamais remarqué auparavant page 22, un policier qui semble regarder l'objectif du photographe rue Foch page 31, un homme appuyé sur la "drabzine"d'un balcon page 69...

Pour moi chaque page est un voyage à travers le temps, et pour mon pere un souvenir.

Il nous servit un verre d'arack, s'assit a cote de moi et mit ces petites lunettes.

"Kess Ekhta... comme c'est dommage... regarde comme la Montagne était verte. Il n'y avait rien...

"La banque était ici, tu tournais à gauche en descendant la rue Allenby... en arrivant de la place de l'Etoile...

"Tu vois ce modeste dekkène a cote de la Baladié, c'etait le premier Marroush... il a commence dans cette toute petite échoppe avant de réussir. J'y avais emmené ta Mère lorsque nous étions jeunes fiancés...

"Tu reconnais? C'est l'Eglise des Capucins... je te ressers un arack?" - " Biensur Pap!"

"Yih.. l'Université Americaine! Il y avait un vendeur de jeans Levi's la-bas, rue Bliss... Hassouni Sport, il s'appelait... ils coutaient 20 Livres Libanaises à l'époque... c'etait le seul en ville...

"Tu vois ce restaurant en bord de mer, j'y étais allé avec Nadim et Alexandre... il y avait une boîte de nuit, style cabaret et s'appelait Kit-Kat... comme le chocolat! L'entrée était à 6 Livres Libanaises... c'etait bien avant la guerre...

"Ce restaurant-là aussi... le mezzé avec 21 plats était à 7 Livres Libanaises... chou ken tayyeb!"

"Ah! Si tu prends cette Tal3a à droite pour aller aux Caves du Roy... nos meilleures soirées avec ta Mère!

"Chou heide? Je ne reconnais pas... Ya3né, on aurait pu faire un effort pour mieux préserver... mais bon, la guerre est aussi passée par là...

"Tu vois, tout ça... c'était la France...

"Tu vois comme il a changé le Saint-Georges... tout ca, ca n'existe plus... et puis ils ont gagné sur la mer... tu continues par là sur l'Avenue des Francais...

"Cela doit être le port militaire... tu vois Achrafieh derrière...

"Regarde la Montagne... lorsque je revenais de voyage et qu'on déjeunait chez Téta, je m'asseyais à la table à manger face à la fenêtre de sorte à pouvoir regarder la Montagne... ma vue n'avait pas de limite... la Montagne était comme dans cette photo...

"Et je me sentais alors de retour au pays et à la maison".

mardi 20 janvier 2009

"Pourquoi n'avons nous pas eu une vie normale ?"

Je repartais... une fois de plus.

Je suis l'émigré qui repart, qui parle mal Libanais et qui vient de "dehors".

Je parle presque Libanais avec un accent de tapette mais finalement je m'en tape.

Mes phrases sont parfois toutes faites, elles sont un mauvais dosage de français, d'arabe et d'anglais, si bien qu'on me dit que je parle comme un Arménien.

La première fois qu'on m'a dit cela, c'était pour acheter deux bouteilles d'eau chez un épicier en bas du bloc A de Tababababarja Beach.

"Marhaba, bendé tneine anninét may..." ; il ne m'avait pas raté ce con.

Si le Liban avait eu un autre destin, nos vies auraient été sans doute différentes et je parlerais couramment arabe.

"Pourquoi n'avons nous pas eu une vie normale?" m'a dit un jour la mère de mon meilleur ami...

C'est vrai. Pourquoi ?