dimanche 15 novembre 2020

Quitter

Quitter.

Il est déjà difficile d’entendre que les jeunes quittent le Liban.
D’observer que les jeunes sont en train d’émigrer en masse ou qu’ils se préparent à le faire.
Que les forces vives d’un pays en train de mourir cherchent à partir à tout prix.
Quand il est déjà difficile d’entendre que les jeunes quittent le Liban, cela devient insupportable d’entendre que les personnes âgées, les anciens, les vieux et les retraités l’évoquent également et y songent sérieusement.
Mais comment peut-on, nous autres émigrés, leur en vouloir? Aucunement, même si l’inquiétude de savoir ses proches éloignés cédera sa place à la tristesse de savoir un pays finalement abandonné.
Un jeune qui part et c’est l’avenir d’un pays qui est compromis. Un ancien, et ce sont l’histoire et la mémoire qui s’effacent petit à petit. Presque en silence.
Je ne pensais pas avoir encore de place pour davantage de colère.
Je ne veux pas avoir à parler de mon pays au passé. Qu’aurons-nous gagné à encore soutenir untel ou untel si, au final, ceux-ci nous pousserons à construire, ou finir, nos vies ailleurs?
كلن يعني كلن

jeudi 6 août 2020

4 Août

Les mots me manquaient. Les phrases me manquaient pour parvenir à décrire cette immense tristesse qui me serre le ventre et me rougit les yeux. Je ne parvenais pas à canaliser ce flot de pensées.

Sidéré. Incrédule. Éloigné. Impuissant. Affolé. Triste. Apeuré. Si amer.
Je pensais que les mots me manquaient. En réalité, je dois malheureusement admettre presque honteusement que je ressens aujourd’hui beaucoup de haine.
Mon mépris d’hier est devenu de la haine, et je m’en excuse presque. Une haine insoupçonnée.
Une soif de vengeance envers tous ceux qui ont tué, martyrisé, occupé, bombardé, pillé, pris en otage ou asservi le Liban et le peuple libanais ces 40 dernières années. Envers tous ceux qui se sont joués de nous, qu’ils soient libanais ou non, qui nous ont manipulé pour anéantir nos rêves, ceux de ma famille, des miens et des gens qui aspirent simplement à vivre dignement et paisiblement.
J’ai une rageuse haine envers tous ceux qui ont contribué à ensevelir il y a quelques jours nos derniers souvenirs sous les ruines fumantes de Beyrouth.
Qu’ils soient libanais ou non, ils rendront des comptes à ceux restés au pays, à ceux qui ne sont pas encore partis ou qui ont deja émigré le cœur déchiré, à ceux qui ont caressé l’espoir d’un retour pendant des années et des générations mais qui ne le feront jamais.
Cette explosion, au delà de la recherche des responsables qui payeront, est à l’image de nos frustrations ensevelies, de nos souffrances maquillées par de la résilience et de nos gigantesques désillusions.
J’ai de la haine. Une haine insurmontable. Un désir de vengeance car la justice ne me suffit plus. Et c’est cela aussi qui me rend profondément triste et m’effraye.
Pour m’en débarrasser, il est temps à présent de se débarrasser d’eux. Sans perdre la raison.

jeudi 25 juin 2020

Pour quoi?

 Liban.

Quinze années de guerre civile. Suivies de quinze années d’occupations Syrienne et Israélienne. Suivies de quinze années de paix relative, presque suspecte. Ces quinze dernières années émaillées de troubles divers, de tensions, d’espoirs et de désespoirs, de violences verbales, de « petites guerres » estivales, fratricides ou confessionnelles, d’émigration et d’exils.
Tout cela pour rien.
Avec son lot de morts pour rien.
De disparus pour rien.
Des morts pour des causes oubliées ou montées de toutes pièces, avec pour seul lot de consolation celui d’être devenu un martyr. Pourtant, même ces martyrs ne font pas l’unanimité puisque les martyrs des uns ne font pas les martyrs des autres.
Toute cette merde, pour en arriver là: un probable suicide collectif.
Des tranches de vie. Des vies entières à vivre au rythme des battements du cœur de ce petit pays et de ses soubresauts. A espérer. A prier. A croire encore que le Liban est véritablement un phénix.
Qui sont-ils, ceux qui sont prêts à cramer une fois de plus ce pays pour continuer à allumer leurs cigares? A régler leurs petits calculs politiciens ou miliciens, quitte à nous affamer?
Quand pourrons-nous enfin danser et cracher sur les tombes de ces increvables petits chefs mafieux, si nous ne parvenons pas à les faire danser au bout d’une corde ou à empêcher qu’ils ne soient enterrés sur cette terre?
Qui sont-ils ceux qui sont parvenus à faire de ce peuple « commerçant et débrouillard » des mendiants suscitant, au mieux, davantage de pitié que de peine, et au pire davantage de méfiance que d’indifférence?
Mais parviendrions-nous seulement à les désigner tous d’une seule et même voix?
Le peuple Libanais était schizophrène, à la fois adorant et détestant ses petits, ses minuscules chefs. Nous sommes désormais TOUS des schizophrènes affamés.