mardi 30 décembre 2008

Leçon de franbanais - ou choses et d'autres entendues ou dites

"Fais toi voir!"... toi aussi va te faire voir.

"Hi! Kifak? Ca va?"... ai-je le choix de la langue?

"Un pepsi s'il vous plait" - "Avec un chalumeau?"... mmm, non, simplement un verre.

"yiii, comme tu as grossi"... euh, merci.

"Tu te payes de ma tête?"

"On quitte dans cinq minutes."

"Je rentre sous la douche."

"Je vais au salon de coiffure pour un coup de peigne."

"Joyeux Noël!"- "Pareillement"

"L'été, je monte estiver à Baabdate"... je veux juste signaler que le terme "estiver" signifie mettre les bêtes pendant l'été dans un pâturage... si, si...

"Tu conduis vitesse ou automatique?"

"Bienvenue à Beyrouth, la température extérieure est 28 centigrades"... et en Celsius?

lundi 29 décembre 2008

Il est cinq heures

Dimanche 28 Décembre
J'ai passé ma dernière soirée en famille comme à chaque veille de départ.
En rentrant, ma valise n'était toujours pas faite. "Pfff... fait chier."
Je la termine assez rapidement puis me glisse dans mon lit espérant trouver un peu de repos. Je me lèverai dans un peu plus d'une heure.
Je n'arrive pas à dormir.
Une voiture passe en bas de mon immeuble et klaxonne. A qui peut-il bien klaxonner à une heure pareille? Cela doit être un taxi.
Je ne dors toujours pas.
J'entends un avion passer au dessus de Beyrouth. MEA? Air France? Mig 29?
Putain... je ne dors toujours pas et je commence à m'ennuyer.
Des éclats de voix au bout de la rue. Des pas chez les voisins du dessus.
Mon réveil sonne enfin. Je ne sais même pas si j'ai réussi à dormir. Ma mère s'assure que je me suis bien réveillé. Mon avion est à 8 heures du mat. A cette heure-ci au moins, je suis encore mal réveillé donc moins en proie à l'émotion du départ. J'ai néanmoins la gorge un peu nouée.
J'embrasse mes parents et les serre fort. Le taxi est arrivé; ma mère descend avec moi sous le regard de mon père qui nous regarde du balcon.
Le taxi démarre aux premières lueurs du jour.
En certains quartiers, l'électricité est coupée et les rues sont plongées dans l'obscurité. Les arbres me paraissent bien taillés. Il y en a donc encore.
Il n'y a ni voiture qui klaxonne ou flic qui siffle intempestivement aux carrefours. L'air est frais et respirable. Pas le moindre bruit hormis le doux gazouillis des oiseaux qui se réveillent avec les premiers rayons du soleil.
Beyrouth dévoile enfin ses mille senteurs.
Saint-Louis, la Hekmeh, Sofil-Sursock, Saint-Nicolas, Charles Malek, Tabaris, le Ring, le Balad, Mar Elias, Msaytbeh, Dahyié... Je suis arrivé en moins de dix minutes.
Dix minutes de calme et de quiétude.
Il est cinq heures du mat et je pars pour Paris. Mais Beyrouth me surprend encore.

Last Day

Samedi 27 Décembre
Le départ approche, une fois de plus.
Comme tous les ans, au terme de mon séjour, je me réveille avec une petite boule au bide. C'est le dernier jour; le soleil est enfin revenu au-dessus de Beyrouth.
J'ai fait une liste des derniers achats à faire, pour moi ou mes amis. Il faut néanmoins toujours prévoir dans sa valise de la place pour les affaires que ma mère m'oblige à emporter.
Il faut profiter de chaque seconde et chaque minute; avec ma famille, mes parents, mes frangins ou neveux.
Et de Beyrouth aussi... malgré tous ses défauts, les incivilités et ses enrageants embouteillages.

samedi 27 décembre 2008

Just Walk

Je préfère me servir de mes pieds pour marcher plutôt qu'appuyer sur des pédales de voiture.
Les trottoirs de Beyrouth sont certes assez étroits ou parfois inexistants et, bien entendu, les larges trottoirs sont réservés aux 4x4.


Mais rien de mieux qu'un petit "mouchoir" (promenade) dans les rues de Beyrouth pour s'apercevoir de la menace qui pèse sur cette ville. On en ressort parfois plus énervé qu'oxygéné par ce que l'on voit.

Le Beyrouthin "homo automobilis" semble s'en taper, il ne regarde plus tellement sa ville. Il ne prend plus la peine de marcher pour la (re)découvrir. Les belles vieilles demeures disparaissent une à une sans qu'il ne s'en émeuve puisqu'elles ne sont sans doute pas sur son trajet.

La protection du patrimoine ou de l'environnement n'est pas une priorité. En ce moment, c'est plutôt les cadeaux de Noël ou les discussions politiques futiles... et puis après on verra ce qu'il en reste pour commencer à s'alarmer.


mercredi 24 décembre 2008

Joyeux Pareillement!

- Joyeux Noël!

- Pareillement!

Drôle d'expression. Il parait que cela se dit également en Belgique entre deux Duvels.

D'autres leçons de franbanais du moment suivront...

mardi 23 décembre 2008

Prison Break

Aujourd'hui, je ne sais pas quelle mouche nous a piqué... nous sommes allés à Byblos. On étouffe à Beyrouth pendant les fêtes.

Une heure après le départ - donc aux alentours du Forum de Beyrouth, environ 1 km à vol d'oiseau de chez moi - nous réalisions notre erreur.

L'excursion est vite devenue une expédition: embouteillage, pollution, camions sauvages, embouteillages, travaux, pluie, EMBOUTEILLAGES...

A l'arrivée, les éléments se sont déchainés sur nos gueules.

Beyrouth n'allait pas nous laisser fuir comme ça... la salope!

lundi 22 décembre 2008

vroum vroum

Bloqué dans les embouteillages pour faire à tout casser 500 mètres. Je cherche des raccourcis connus de tous.
Je décide de me faire justicier et de faire rebrousser chemin aux gros bras venant en sens interdit. N'ayant pas ma cape rouge, j'abandonne assez vite face à un Hummer.
J'ai l'impression de faire tous les jours le même trajet et de passer mes vacances en voiture.
Le centre-ville est bien joli mais terriblement vide, et les immeubles toujours autant inhabités. Il ne manque plus que Mickey et Donald.
Je passe dans le coin du musée Sursock et m'aperçois qu'il y a de gros travaux au pied de la belle bâtisse en pierre blanche qui ne semble plus accessible.
Un immeuble au style sans style germera sûrement à côté de celle-ci.
Une panneau de signalisation indique que je me trouve dans un "Quartier à caractère traditionnel"...
Mon cul oui.

Christmas Hits 1985 Compilation

Burn that fucking tape... et le charriot de Geryos taxi qui va avec.

dimanche 21 décembre 2008

On the other side

Vendredi dernier, j'étais à l'aéroport.


Les Libanais de la diaspora affluent de partout. Je suis dans le terminal d'arrivée; mais je suis cette fois de l'autre côté de la barrière, parmi la marée humaine.

On dirait que deux ou trois peuples différents se croisent, se jaugent et s'observent. On entend parler Arabe, Anglais et Français dans le terminal d'arrivée. Des familles entières viennent accueillir leurs proches de retour au pays.
Soudain, une coupure de courant. Toutefois, l'Aéroport International Rafik Hariri de Beyrouth est doté d'un super-générateur ultra-performant se déclenchant aussitôt que l'électricité de la "daoulé" (l'Etat) ultra-défaillante soit partie.
Les gens s'aggultinent à la barrière, bousculent sans s'excuser et fument au mépris de l'interdiction et d'un gendarme ravi de les imiter. Quel est l'exemple pour qui?
En attendant d'apercevoir leurs proches, les badauds commentent les styles vestimentaires et capilaires des passagers qui débarquent. "Choufé haidé" ou "choufi haida" (regarde-moi celui-ci ou celui-là).
Il y a toujours un concierge qui sommeille en nous.
Ah les voilà!
"Hamdellah 3a salemeh!"

samedi 20 décembre 2008

Observation n°1

Arrivée à l'A.I.B. 14h30 par Air France.

Boieng 777-340 archi plein et légèrement botoxé.

Aux douanes, je trouve toujours le moyen de choisir la file d'attente la plus lente.

J'observe la ligne jaune et ceux qui ne la respectent pas. Je suis dans la file des "étrangers". A la voir, on croirait que le Liban est devenue la destination à la mode des vacances de fin d'année, au même titre que des destinations paradisiaques de l'hémisphère sud.

Pourtant, les touristes sont Libanais.

Je sors et sens une cinquantaine de paire d'yeux me scruter de la tête au pied. Etrange sensation.

Malgré la marée humaine, je distingue rapidement mes parents venus me chercher.

Un bordel agréable en guise de bienvenue et sur le trottoir les premières odeurs.

Live from Beyrouth

Je suis au Liban depuis deux jours, après une année d'absence.

Aussi bizarre que cela puisse paraitre, je ne suis pas dans le souvenir mais dans le présent. Et j'observe; ce qui a changé, ce qui ne changera jamais.

Un des meilleurs endroits pour observer: mon balcon; je peux y passer des heures. Il y a près de vingt degrés de différence avec Paris et il n'est pas nécessaire de "couvrir sur sa poitrine..."

Dans les prochains jours, je posterai des impressions plus ou moins courtes plutôt que de longs récits. En effet, je suis tellement au coeur d'un certain chaos que je ne puis prendre suffisamment de recul.

Cela fait du bien, un peu d'air frais et une manouché le matin...

dimanche 9 novembre 2008

L'épée de Farraj

L'été est propice aux obligations familiales dominicales...

Ces obligations duraient le temps d'une matinée, d'une après-midi ou d'une journée entière. Nous allions visiter des cousins de degrés lointains dont on se souvenait vaguement du nom ou des arrière-grands-oncles dans un village reculé de la Montagne.

Certaines de ces journées étaient ennuyeuses pour l'enfant que j'étais, voire même pour les adultes quelquefois. D'autres journées néanmoins m'ont profondément marquées.

"Si tu es sage, me disais ma mère, il te montrera son épée." Je n’étais pas un enfant particulièrement dissipé, ni même franchement turbulent. Disons que ma mère avait trouvé une motivation à l’une de ces visites familiales.

Il s'agissait de Jeddo Farraj, mon arrière-grand-père maternel.

Avant ce fameux jour, je ne le connaissais qu'au travers de photographies en noir et blanc chez mes grands-parents. Il y est en costume d'apparat, portant un uniforme et une épée.

Farraj n'était pas un militaire mais un proche du Cardinal Gabriel Tappouni, archevêque d'Alep devenu plus tard patriarche de l'Eglise catholique syriaque. Il était en quelque sorte le bras droit de ce dernier et son homme de confiance ainsi que Chevalier de l'Ordre de Malte.

Ma mère m'expliquait donc que j'allais rencontrer un chevalier!

Farraj habitait dans le secteur du Musée de Beyrouth. Malgré la guerre et la proximité de la "Ligne Verte", jamais il n'accepta de partir. Sans doute en avait-il vu d'autres.

"C'est mon petit dernier, Jeddo" dit ma mère à son grand-père quand vint le tour de me présenter après mon frère et mes soeurs.

La famille maternelle était présente ce jour-là. Les meubles du salon étaient beaux et anciens. Quelques décorations de Farraj ornaient les murs de l'appartement, ainsi que des portraits.
Nous buvions de rafraîchissants Jellab et je dégustais pour la première fois des marzipans.

Il était assis dans un fauteuil et un sourire illuminait son beau visage; celui des personnes âgées ravies d'être entourées par les siens et sa descendance.

Il était néanmoins bien fatigué.

"Habibi, il te montrera son épée une prochaine fois" me dit ma mère. J'avais été pourtant bien sage...

Mon arrière-grand-père avait fui les massacres des chrétiens de Mardin, dans le Sud-est de l'Anatolie. En 1915, l'Empire Ottoman décida de déporter et massacrer les Arméniens et les hommes d'autres minorités chrétiennes de rite chaldéen, syriaque ou protestant. Les hommes étant principalement menacés, il réussit à s'enfuir à dos de chameau déguisé en femme jusqu'en Syrie et s'établit plus tard au Liban.

Au cours de cette après-midi, Jeddo Farraj s'éclipsa un court instant. Puis il revint, se plaça au centre de la pièce pour être entouré de tous les convives et brandit enfin son épée sous les applaudissements.

Il y avait dans son regard une intensité et du courage. Il puisa dans ses forces pour lever le lourd sabre au dessus de sa tête.

Je me souviendrai toujours de son regard. Certes, j’étais beaucoup trop petit pour lui parler ou comprendre certaines choses. Je souhaitais simplement qu’il me raconte des histoires de chevalier ou qu’il me laisse jouer avec son épée. Je revois toutefois encore son regard et cette intensité que je ne pouvais expliquer du haut de mes cinq ans.

Les mois passèrent, quelques années peut-être. Je demandais innocemment à ma mère qu'était devenu Jeddo Farraj et s’il se portait bien. Elle m'annonça très surprise qu'il nous avait quitté et qu'il reposait désormais en paix.

La nouvelle me secoua et j'en voulus à mes parents de me l'avoir caché. Sans doute avaient-ils pensé que je ne me souviendrais plus de lui, vu mon très jeune âge et le sien très avancé.

Il me laissa très vite un souvenir indélébile, même si je n’étais pas encore en âge de comprendre l’héritage de cet homme.

Celui d’un véritable Levantin au destin formidable, témoin de l’histoire tourmentée de cette partie du monde au début du siècle dernier ; témoin de la folie des hommes à la fin de celui-ci.

Celui d’un Levantin à un autre.

dimanche 26 octobre 2008

Salle Obscure

Il y a quelques semaines, face au tapage médiatique et aux "Quoi? T'as pas vu Valse avec Béchir" je me suis décidé à aller voir au cinéma le film en question, non sans avoir, il est vrai, un certain a priori totalement subjectif à juste titre.

Le film étant sorti depuis quelques mois, seule une dizaine de cinémas parisiens projetait encore le film d'Ari Folman.
Je me retrouve au cinéma Lincoln près des Champs-Elysées dans une belle salle de projection aux sièges rouges... seul dans la salle, ajoutant une sorte de solennité à ce moment de cinéma où je m'attendais à en prendre pour mon grade.

"Merde, me dis-je"
Le film a commencé. Je suis toujours seul dans la salle et personne d'autre ne viendra.

Esthétiquement, il s'agit d'un très beau film. La musique y est également sublime. Le film vu en version originale me permet de découvrir une belle langue ressuscitée, cousine de l'Arabe.
Il s'agit, à mon sens, d'un film portant beaucoup plus sur la société israélienne et de sa jeunesse face à la guerre. En gros, voila des gosses de 18 - 20 ans qui se retouvent au front sans trop savoir pour quelles raisons, partant presque la fleur au fusil à la guerre.
C'est un film sur la mémoire, ou sur l'oubli. Pour certains, il marque la fin de l'innocence Israélienne face aux massacres de Sabra et Chatila... pour ne pas lâcher le mot "complicité".
Dans un premier temps, je sortis de la salle obscure presque abasourdi par le film et content d'en avoir eu pour mon argent.
Et puis, j'ai pris un peu plus de recul... et cela m'a paru trop facile. Facile de dire qu'on ne savait pas, qu'on ne voyait pas, que les soldats de Tsahal n'étaient pas au courant, qu'il faisait nuit, que certaines choses étaient bizarres, qu'on a oublié, ou qu'on ne veut pas se souvenir.
Cela m'a également paru dangereux face à une opinion publique ignorant l'Histoire, encline à de rapides raccourcis et s'étonnant que la Palme d'Or à Cannes lui ait échappé.
Pourquoi seuls les autres doivent-ils supporter la responsabilité de ce massacre, la honte et la culpabilité? Pourquoi n'ont-ils jamais été tenus responsables par le reste du monde?
Il ne s'agissait pas du fait d'un seul homme, mais de toute une armée d'occupation venue nettoyer une terre et des hommes.
Une armée toujours occupante et un homme qui devint plus tard Premier Ministre, dans l'ouli général de ces hauts faits d'arme visiblement...
Sabra et Chatila n'empêcha pas Jénine ou Cana. Alors à quand un film sur Jénine et Cana?
La voici la responsabilité israélienne. Elle a constamment été vécue par procuration.
Et puis, je suis allé voir un film Palestinien: "Le Sel de la Mer", financé par la terre entière sauf par des fonds de "voisinage".

Je n'étais pas seul dans la salle.
Le film retrace le voyage d'une jeune femme palestinienne née aux Etats-Unis à la recherche de ses racines.

Dès son arrivée à l'aéroport de Tel-Aviv, les douanières blondes aux yeux clairs lui font ressentir qu'une brune à la peau mate et au nom arabe n'a rien à faire ici, malgré son passeport Américain.
Les check-points, les bouclages de territoire, les fouilles au corps, l'honteux mur "anti-terroriste", les couvre-feux... l'appartheid.

Il ne s'agit pas de clichés mais d'une réalité que l'on veut cacher, dont on ne parle plus ou avec une sémantique journalistique qui n'interpelle plus car devenue banale.

Il s'agit d'un film simple, montrant la vie quotidienne des Palestiniens à travers le voyage d'une femme sur la trace de sa maison familiale à Jaffa, dont même le nom n'existe plus.

Ce n'est pas un film triste, mais plein d'espoir et de nostalgie. Il y a de la colère sans haine, de la sincérité sans hypocrisie. De l'humanité et de la révolte.
Il ne s'agit pas d'un film sur la mémoire palestinienne. Il est difficile pour les Palestiniens de regarder le passé puisque le passé c'est encore le présent; que les massacres, les humiliations et les frustrations continuent.
Voilà pourquoi un film sur la mémoire israélienne des massacres de Sabra et Chatila me parait trop facile.
Parce que l'histoire de la Palestine ne se réduit pas seulement à Sabra et Chatila.

mercredi 8 octobre 2008

Les Grandes Vacances

Chaque année, à cheval entre le mois d'août et le mois de septembre s'achevaient "les Grandes Vacances".

Elles duraient deux à trois mois et nous faisaient oublier les tables de multiplication ou la conjugaison du subjonctif de l'imparfait. Quelle agréable sensation!

Nous rattrapions le temps perdu et prenions quelques kilos du fait d'interminables banquets familiaux. L'affection de nos proches se mesure parfois à tous les gâteaux qu'on nous proposait. Nous avions droit mes soeurs, mon frère et moi tous les jours au collant rouge à lèvres de nos coquettes tantes sur nos joues.

Mes Grandes Vacances furent d'interminables après-midis chez mes tantes, oncles et grands-parents, dans la chaleur et moiteur de l'été Beyrouthin, à attendre que nos parents finissent leurs cafés pour aller jouer.

Ce sont d'agréables siestes au son du ronronnement des ventilateurs, à défaut de climatiseurs encore rare à cette époque; des journées entières à la plage, de l'heure de la man'ouché jusqu'au coucher de soleil, derrière l'horizon de la mer.

Mes Grandes Vacances ont également été d'interminables embouteillages sur la route côtière ou sur celles de nos montagnes pour aller visiter quelque lieux de culte; des diseuses de bonne aventure à la fin d'un repas dans un restaurant; des 3arouss, petites tartines, le soir avant de se coucher avec des petits concombres libanais.

Des virées en voiture, à six avec moi sur les genoux de ma mère, assis à l'avant à côte de mon père qui slalomme entre les nids de poule de l'Autostrade.

Ce fût de la reconstruction à-tout-va et des tensions dans le sud du pays dans l'intolérable insouciance générale. Des heures à attendre que l'électricité revienne pour pouvoir regarder la télé; des bains parfois pris à la lueur des bougies.

Les Grandes Vacances, ce sont les "cahiers de vacances" pour se donner bonne conscience alors qu'il y a goldorak en arabe qui passe à la télé. Nous jouions avec des soldats en plastique avec nos voisins lesquels allaient veiller sur notre appartement pendant nos longues absences.

Elles étaient belles ces Grandes Vacances. Nous mesurions le courage des gens qui vivaient dans des conditions jadis devenues normales, aujourd'hui considérées difficiles. Nous ne nous en plaignions pas, et eux non plus d'ailleurs.

Il est 8 heures du matin est notre avion décollera dans l'après-midi. La famille et des amis défilent pour nous embrasser et nous souhaiter un bon voyage. Il fait déjà chaud en ce Dimanche matin de fin de mois d'août.

Ma mère s'affaire entre les valises, les visiteurs et le nettoyage de la maison. Elle prépare le café turc, repasse rapidement une chemise, termine la vaisselle, accueille les invités et passe les derniers coups de téléphone quand celui-ci veut bien fonctionner normalement.

Nous embrassons très fort nos proches le coeur serré puis partons.

A l'année prochaine..."si Dieu le veut bien, partez et revenez en paix".

L'aéroport est à 15 minutes à vol d'oiseau. Nous prévoyions toujours une heure et demi pour atteindre le vieil aéroport de Beyrouth. L'état des routes, les embouteillages et de nombreux barrages militaires ou miliciens ralentissaient notre avancée.
Malheureusement, jamais nous ne ratâmes notre avion.
Et lorsqu'à bord de celui-ci, je bouclais ma ceinture et regardait par le hublot de l'appareil les montagnes et les collines ferreuses de couleur rouge, je comprenais que les Grandes Vacances s'achevaient.

dimanche 14 septembre 2008

Parfois, j'en souris; parfois ça m'énerve...

Le Liban vaut largement l'Europe et la France"

"Yaaay, tu as vu? ils vont construire un nouvel immeuble de 30 étages avec un appartement de luxe par étage. C'est bien non?"

"Te promener? Tu veux dire à pieds? Tayyeb pourquoi?"

"Enta, tu ne peux pas comprendre, tu n'as pas vécu la guerre."

"Enta, tu ne peux pas parler, tu ne vis plus ici."

"Carlos Ghosn, Mika, Nicolas Hayek sont Libanais! J'en suis tellement fier..."

"Non je ne suis jamais allé au Musée de Beyrouth."

"Tu sais au Liban, tu peux skier le matin et te baigner dans l'après-midi."

"Fi hajez (vous avez réservé)."

"Ah bon? Ton coiffeur est à Hamra?"

"Jounieh est la plus belle baie du monde."

"La qualité de vie au Liban est inégalable. Tu peux appeler le dekkène à 3 heures du mat pour qu'il te monte un pepsi."

"Viens, on va voir Batman 26 au ciné."

"Ce sont tous des salauds... bass franchement, tu ne le trouves pas drôle Wihab Diab?"

"C'est quoi un platane?"

"D'accord ce sont des salauds, mais qui a été salaud en premier?"

"Pourquoi tu mets ta ceinture de sécurité?"

"J'espère qu'il n'y aura pas de guerre pour que je puisse passer mes vacances à la plage cet été."

"J'ai filé 100 dollars au mec de l'auto-école pour être sûr d'avoir mon permis de conduire."

"Il n'y a pas assez de boîtes de nuit à Beyrouth."

"Il y a une pénurie de logement à Beyrouth et pas assez d'immeubles."

"Grâce à Solémar, Samaya, Portemilio et le Holiday Beach Club, nos plages sont plus belles et plus propres."

"Tu ne peux plus marcher à Beyrouth, c'est pour ça que je préfère prendre la voiture."

"On s'est promené à Solidere; il y a vraiment trop d'Arabes."

"C'est injuste, regarde où sont rendus ces bédouins du Golfe et où nous en sommes! C'est nous qui devrions être à la place de Dubai!"

"Nous aussi nous avons la Nouvelle Star, la StarAc et KohLanta."

"NOUVEAU!!! BETON-SUR-MER!!! UN COMPLEXE ULTRA MODERNE ET LUXUEUX AU MILIEU DES RESTES D'UNE FORET DE PINS APPAISANTE ET VERDOYANTE! APPELEZ LE 03-£$€ £$€

"Ah bon? tu as déjà pris le bus? Mais ils sont faits pour les ouvriers syriens et les indiens."

"Geryos Taxi, c'est plus claaaasse."

"Le Liban est le plus beau pays du monde."

jeudi 11 septembre 2008

The New Government


Hier un groupe Franco-Libanais de rock indépendant alternatif était l'invité d'une émission culturelle sur Radio France International.

Il s'agit de "The New Government".

Un groupe faisant parti d'un collectif fer de lance de la scène alternative et underground au Liban voire au Proche-Orient: Lebanese Underground.

L'émission était très intéressante, mêlant musique et interviews avec 3 des 5 membres du groupe - Zeid Hamdan (fondateur des Soapkills) Jérémie et Timothée Régnier - qui répondaient avec beaucoup d'humilité, franchise et humour.

Ils racontaient notamment à la journaliste de RFI comment Jérémie et Timothée avaient été expulsés du Liban pour des questions de visas. Il semble qu'un artiste ou musicien indépendant au Liban ne vaille pas une star refaite de la pop libanaise aux yeux de certains.

Aujourd'hui, il fait enfin beau sur Paris. Je sors me balader avec mon livre et mes écouteurs. J'ai envie de me poser tranquillement sur le Quai d'Orléans, sur l'Ile Saint-Louis.

Il fait chaud. Des cars déversent leur flot de touristes Allemands rouge écrevisse, chaussettes et tongues devant la cathédrale Notre-Dame. Des Américaines crient des "Oh my Goooood, it's awsome" nasillards à tout va. Paris sera toujours victime de son succès.

Je longe Notre-Dame, le nez en l'air admirant les gargouilles puis m'engage sur le Pont Saint-Louis.

J'aperçois un groupe de 3 gars planchant sur une feuille de papier. Je reconnais Zeid et Jérémie pour les avoir vu en concert en 2005 à Deir el Qamar, dans le Chouf au Liban.

Bref, j'ai l'impression de rêver.

"Excusez-moi, vous êtes les New Government?"

Ils se retournent étonnés de ma question et peut être de cette notoriété inattendue.

Nous eûmes par la suite une conversation drôle et sympathique. Peut être trop courte alors que leur musique représente pour moi une tranche de vie.

Puis j'ai continué mon chemin vers les bords de la Seine, content de cette rencontre impromptue.

Zeid insistait hier à la radio sur le fait que les artistes talentueux qui se faisaient repérer devaient rester au Liban malgré l'attirance pour les majors et autres maisons de disques. Les initiatives telles que "Lebanese Underground" cherchent à préserver cette scène culturelle et musicale et à inciter les artistes indépendants et alternatifs à exercer leur talent au Liban.
Elles méritent respect et soutien.
Zeid, Jérémie et Timothée disaient eux-mêmes ne pas avoir de message politique; néanmoins ils sont conscients de cette nécessité d'une musique qui soit une alternative à la pop débilisante.

Le paysage musical en serait enrichi... et puis la musique adoucit les moeurs... et surtout ça nous changera de Nancy ou Haifa.

mercredi 10 septembre 2008

Can we blame them?


Il y a une semaine, David et Nat des "Chroniques Beyrouthines" ont déposé leurs plumes.

Ce que je craignais est arrivé. C'est un signe.

Les CB, c'est un peu ce qui m'a poussé à créer mon propre blog. Je l'ai découvert un peu par hasard il y a deux ans, peu après la guerre de 2006. Depuis, je le consultais tous les matins avec mon café et m'impatientais de découvrir leurs prochains articles.

Ils étaient pertinents et appelaient, tout comme les commentaires, aux débats d'idées, aux débats d'opinions et parfois à des conversations plus légères très plaisantes. Il n'était pas seulement question de politique, mais aussi de culture, de musique ou de photographie. Bref, un espace de liberté.

Seulement voilà, il y a quelques semaines, David, qui effectuait un reportage du côté de la banlieue Sud de Beyrouth, a été arrêté et retenu pendant quelques heures dans un local souterrain du Hezbollah. Il a été interrogé sur tout, peut être même a-t-il été subtilement menacé avant d'être relâché.

A cause de cette mésaventure, le blog des "Chroniques Beyrouthines" a été suspendu, le temps de la réflexion.

Ensuite, il a repris.

Puis il s'est arrêté, "à bout de souffle".

A cause de quoi ou de qui?

Est-ce à cause du Liban? Le pauvre... arrêtons de l'accabler de la sorte!

Est-ce à cause du Hezbollah? Peut-être... le travail de sape a commencé depuis quelques années déjà; il est à craindre qu'il ne soit déjà malheureusement dans sa dernière ligne droite. La mésaventure de David est devenu un exemple parmi d'autres.

Ou bien... Est-ce à cause du Libanais? Sûrement.

Parce qu'il ne respecte plus rien ni personne.

Parce qu'il se prétend démocrate, alors qu'il refuse le dialogue.

Parce qu'il conspue les hommes politiques qu'il a soutenu hier mais qu'il soutiendra demain.

Parce qu'il se prétend républicain alors qu'il est féodal et communautariste.

Parce que c'est toujours la faute de la Syrie, d'Israël ou des Palestiniens, des Américains, des Russes, des Iraniens ou des Martiens mais jamais la sienne.

Parce qu'il dit être Arabe quand ça l'arrange et Phénicien quand il en a honte.

Parce qu'il voit ses meilleurs fils partir et qu'il ne réagit plus.

Parce qu'il s'en remet toujours à Dieu alors qu'Il est parti Lui aussi.

Parce qu'il a laissé entrer le loup dans la bergerie et qu'il le caresse dans le sens du poil.

Parce qu'il pardonne l'impardonnable et justifie l'injustifiable.

Parce qu'il se dit que c'est peut être son dernier été au Liban mais qu'il ne s'en offusque pas car il est devenu égoïste.

Parce qu'il aura toujours la mémoire courte et qu'il ne connaît pas l'Histoire.

Parce qu'il crache sur les émigrés et expatriés libanais alors que le Liban existe encore par eux.

Parce qu'il pense que le langage de la haine et de la vengeance le rendra plus respectable.

Parce qu'il se croit plus intelligent et plus fort que les autres alors que les autres n'ont de leçons à recevoir de personne.

Parce qu'il incarne toutes les contradictions et est devenu illogique.

Parce qu'il clame être libre alors qu'il regarde passiblement ses libertés s'user et qu'il les brade.


Parce qu'avant que le piège ne se referme il sera trop tard.

Y a-t-il encore des gens sensés au Liban ou bien est-il désormais habité par la rage?
Y en aura-t-il encore lorsque tous les Davids et toutes les Nathalies tourneront leurs dos parce qu'à bout de souffle et las d'avoir vécu, aimé et souffert pour ou avec un pays qui n'est pas le leur.

Finalement méritons-nous ce pays??? En sommes-nous dignes?

Tellement de questions. Trop de questions et de doutes.
Jadis le Liban était le phare de l'Orient. Sa lumière. Petit à petit des "petites cases blanches" se ferment et la lumière se dissipe.

Je comprends mieux à présent un graffiti inscrit sur un mur gris de Beyrouth annonciateur de ce malheur.

"Que le dernier qui parte éteigne la lumière".

lundi 1 septembre 2008

Le Train Orange II


Tchou tchouuuuuu...

Un grand merci à Kheireddine pour le lien envoyé: http://almashriq.hiof.no/lebanon/300/380/385/railways/index.html

Je ne m'étais donc pas trompé sur la couleur...

jeudi 28 août 2008

A.I.B. – Arrivée

Avant que l’aéroport de Beyrouth ne s’appelle « Aéroport Rafik Hariri », il s’appelait simplement « Aéroport International de Beyrouth » et avait beaucoup plus des allures de supermarché poussiéreux. Il avait en revanche plus d’âme, derrière ses façades couleur saumon, que le marbre gris de notre aéroport flambant neuf actuel…

Quoi qu’il en soit, il est vrai qu’il avait fait son temps. Si à l’époque – c’est-à-dire les années 50 – il était considéré comme un fleuron architectural au Moyen-Orient, il n’était plus aux normes après 1990 et sans doute trop petit pour accueillir les Libanais de l’étranger, à défaut de touristes.



La compagnie aérienne nationale, la M.E.A., n’avait jamais cessé ses activités même au plus fort de la guerre, à quelques exceptions près. Sitôt la paix revenue, leurs avions se posaient déversant par centaines les Libanais venus d’Outre Mer.

Le voyage commençait, comme toujours, dès l’enregistrement des bagages dans le pays de départ. Des files d’attentes aussi bruyantes que désorganisées se formaient face aux comptoirs de la M.E.A., derrière lesquels les hôtesses, portant jadis des uniformes rayés de bleu, de vert, de rouge et de blanc, mâchaient ostensiblement leur chewing-gum. Aussitôt les formalités faites, les scandales en raison d’un surbooking ou d’une annulation passés et le passage à la douane effectué, nous embarquions à bord des Boeing à nez noirs de la M.E.A. et dont les sièges de couleur marron et orange rappelaient les seventies.

Il était encore possible de fumer dans la cabine. Seules quelques rangées à l’avant ou à l’arrière de l’appareil étaient destinées aux voyageurs non fumeurs, ce qui n’empêchât nullement la fumée de se répandre dans toute la cabine. Après trois ou quatre heures de vol, l’hôtesse annonçait notre atterrissage imminent et quelques minutes plus tard, le Boeing se posait sur le tarmac de l’Aéroport International de Beyrouth. Après nous avoir communiqué la température extérieure en « centigrades » notre hôtesse nous remerciera d’avoir choisi la compagnie nationale et nous souhaitera un agréable séjour… tout cela en langues arabe, française et anglaise.

Les voyageurs étaient tous gagnés par l’excitation et tout le monde se congratulait.

Les « hamdellah 3a salémé » fusaient de partout et nous attendions de sortir de l’avion.

Ses portes s’ouvrirent enfin.

Le bruit assourdissant des réacteurs n’empêchera pas l’odeur si particulière du pays de me taquiner les narines. Nous descendons joyeux les escaliers d’embarquement afin de prendre le bus nous menant au terminal des arrivées. En pénétrant dans celui-ci, nous entendons le bruit presque mécanique des tampons de la Sûreté Générale s’abattant sur les passeports.

Des portraits géants du président Syrien Hafez el-Assad ou de son fils décédé et des drapeaux syriens de papier ornent les murs poussiéreux de l’aéroport. Ceux du président Libanais, Elias Hraoui se font plus discrets, à l’image du charisme quasi-nul du personnage. L’humiliation se lit dans le regard des voyageurs exilés fraîchement arrivés, dans nos regards à tous.


Nous ne bronchons pas, nous ignorons, nous méprisons. Nous sommes bel et bien à Beyrouth et non à Damas… nous arriverons désormais en terre occupée.

Les douaniers contrôlent et tamponnent nonchalamment nos passeports avant de nous laisser récupérer nos bagages qui se font attendre sur un tapis immobile. Il fait une chaleur suffocante et les ventilateurs semblent ne plus avoir fonctionné depuis des décennies.


Nos proches se tiennent derrière un mur de verre et nous font de grands signes et de grands sourires. L’éloignement aura duré un an, parfois plus longtemps au gré des évènements qui secouaient le pays. Mes sœurs, mon frère et moi avions grandi ; nos grands-parents, oncles et tantes avaient de plus en plus de mèches blanches. Les vacances scolaires sont l’occasion de rattraper un peu du temps perdu.

Le tapis à bagages s’ébranle et les premières valises arrivent enfin. Les valises de voyageurs en provenance d’autres pays se retrouvent toutes sur le même tapis. Cela devient très vite la bousculade à cause notamment des porteurs essayant d’agripper un potentiel client.

Les bagages récupérés, nous nous dirigeons vers le dernier contrôle de l’aéroport, celui des redoutés moukhabarat (services de renseignement) syriens, mal rasés, en civil mais portant des chemises de mauvais goût et kalachnikov en bandoulière… même si nous n’avons rien a nous reprocher, nous retenons notre souffle sous le regard du Lion.

« Vous arrivez d’où ? » demande l’un des moukhabarat, un sourire cynique aux lèvres.

Mon père lui répond sèchement. Le moukhabarat rend nos passeports sans un mot, sans un regard mais avec un insolent mouvement de la tête. Nous passons ce dernier barrage en remarquant un jeune se faisant interroger à l’abri des regards.

Nous sortons enfin de l’aéroport, retrouvons nos proches et chargeons les voitures de mon oncle et de ma grand-mère. Le trajet ne fait que commencer. Il nous faut emprunter l’ancienne route de l’aéroport traversant la banlieue sud de Beyrouth où trônent cette fois des portraits de Khomeiny, de l’Imam Moussa Sadr ou de martyrs anonymes. Des barrages de l’armée libanaise ou syrienne contrôlent les automobilistes toutes les centaines de mètres ralentissant par conséquent leur progression. La reconstruction en était encore à ses balbutiements si bien que les routes étaient à l’époque dans un piteux état.

La forêt de pins n’a de forêt que le nom et les immeubles à la lisière de l'ancienne "ligne verte" sont sévèrement touchés. Quelques habitants vivaient encore dans ces ruines, sans électricité, sans eau et se fondant dans le décor lugubre. Des enfants de mon âge en petite culotte. Des mendiants estropiés aux carrefours. La ville et ses habitants portaient encore les lourds stigmates des combats. Nos Misérables.

Nous rentrons enfin dans Beyrouth. L’odeur du thym et du café y embaume ses rues. J’adore. C’est toujours la même odeur. Celle-ci ne peut disparaître.

La reconstruction commencera bientôt. Celle des villes, du pays tout entier. Peut-être même celle des consciences ?

Elle signifiera également destruction : destruction de vestiges irrécupérables ; destruction d’une partie de la mémoire de Beyrouth.


Destruction des murs d’un aéroport longtemps souillés par les photos humiliantes de dictateurs étrangers. Destruction afin que nous oubliions l’humiliation d’un exil, ou celle d’un retour sous le regard de l’occupant.

S’il faut y passer par là, alors soit. Abattons ces murs et leurs ornements.

lundi 18 août 2008

Le Train Orange

(Dédicace aux Chroniqueurs Beyrouthins, David & Nat)



Il y a quelques jours, j'ai pris le train à Antibes pour me rendre à Marseille. Le train longe pendant près de deux heures la côte, se faufilant entre les forêts de pins et les vignes, entre maisons provençales aux tuiles rouges et plages méditerranéennes de galets ou de sable blanc.

L’accent chantonnant des voyageurs Niçois ou Marseillais se mêlaient aux paysages défilant sous mes yeux. Alors que le train s’arrêtait à Saint-Raphaël, Sainte-Maxime ou Cannes, je songeais aux côtes libanaises, jadis étrangères au béton et plus proche de la Provence que de Benidorm. Au Liban, quelques chemins de fers traversaient – et traversent encore – des routes similaires longeant les plages et contournant les montagnes. Car en effet, il existait auparavant des trains et des tramways.

En écoutant les récits de mes parents ou de mes aînés, il ressort que ce moyen de transport était populaire auprès des usagers et largement utilisé par les citadins. Avec la guerre, locomotives et wagons ont peu à peu disparu, leurs carcasses venant occuper les rares gares désaffectées à l’abri des regards et en proie à la rouille ou aux graffitis.

Toutefois, lorsque nous « estivions », j’étais témoin chaque jour d’un curieux spectacle.

Mais, avant d’y assister, j’étais chargé tous les matins d’une mission : celle de rapporter des manouchés, ces galettes de thym ou de fromage, du boulanger installé en bordure du lotissement dans le lequel nous passions l’été.

« Bonjour ! lui disais­-je » ; « Bonjourein, me répondait-il » . Je lui demandais ensuite poliment dans un arabe approximatif une douzaine de ces manouchés puis attendais à l’ombre d’un bananier qu’elles sortent du four.

Aussitôt prêtes, je m’empressais de payer le boulanger et remontais rapidement chez moi non pour dévorer ces délicieuses galettes mais pour assister au passage imminent du train orange. Ce train orange ne passait qu’une seule fois par jour et devait certainement être l’un des derniers à rouler au Liban. Il ne comptait qu’une locomotive et un wagon transportant les voyageurs. Ne voulant jamais le rater, je me postais à la fenêtre et guettais son arrivée.

Le train siffle… le voilà enfin!

Il jaillissait lentement d’entre les arbres, coupait la route menant à l’entrée de Tabarja Beach et s’arrêtait enfin pour ramasser deux ou trois voyageurs réfugiés sous un préau de fortune. Quelques minutes plus tard et après un dernier sifflement, le train orange repartait aussi lentement qu’il était arrivé vers sa destination non lointaine.

Ma manouché avait refroidi mais je la mangeais en songeant à ce tas de ferraille et d’acier parcourant les côtes et les montagnes. Arrivait-il de Tripoli ou d’Istanbul ? Peut-être allait-il à Haïfa ou Damas? S’arrêtera-t-il à Beyrouth ?
Je me surprenais à lui inventer des périples et des trajets, des déraillements façon western et des poinçonneurs moustachus à tarbouche, des banquettes en bois et des compartiments plus confortables, des voyageurs bruyants et des ouvriers se rendant au travail.

Ce train orange suscitait une curiosité telle que j’étais décidé à le voir de plus près.

Mais il était déjà trop tard : le train orange cessa de passer et je n’entendis plus jamais son sifflement. Aux abords de la gare abandonnée de Jounieh, qui était vraisemblablement sa destination, ne sont stationnés que de vieux wagons à bestiaux et de marchandises, immobilisés par le temps et la rouille.

Plus de traces du train orange de mon enfance.

Néanmoins, sa disparition me laissera enfin savourer des manouchés encore chaudes au petit-déjeuner.

vendredi 15 août 2008

Larnaka - II


Il semble que mes parents voyagent encore avec la même valise...



samedi 5 juillet 2008

Ne plus revoir Larnaka

En Mai 2004, Chypre adhérait à l’Union Européenne. L’Europe n’était plus qu’à quelques kilomètres des côtes libanaises.

Les agences de voyage, à l’approche de l’été, affichaient leurs nouvelles promotions de voyage à destination de l’île. Les Européens semblaient découvrir l’existence de celle-ci pour la première fois.

Mes amis français prévoyaient d’y passer une partie de leurs vacances d’été. J’en étais désolé d’avance pour eux...

Pendant la guerre, Chypre était pour beaucoup de Libanais de la diaspora un point de transit avant de pouvoir rejoindre par voie maritime leur pays d’origine secoué par la guerre. L’aéroport étant soit fermé, soit en zone de conflit, prendre le ferry était devenu le moyen le plus sûr... à quelques exceptions près biensûr.

Les familles arrivaient par avion à Larnaka. Elles passaient la journée à tuer le temps, en proie à l’ennui et à la chaleur de l’été, dans l’attente d’embarquer à bord d’un bateau.

Ennui, attente et chaleur... Parfois nous séjournions une ou deux nuits dans un hôtel de la ville. Nous étions devenus des habitués du « Four Lanterns Hotel » au point d’en faire nous même la promotion auprès de nos compatriotes en quête d’un gîte avant la traversée. Les chambres étaient correctes, et à défaut d’y trouver un téléviseur diffusant de toute manière des programmes en grec, il y avait des radios qui captaient parfois quelque station libanaise. Toujours la radio.

Nous nous mettions en route pour le port de Larnaka à la tombée du soir. Les voyageurs attendaient sur le quai qu’un douanier Chypriote nous ordonne en grec l’ordre d’embarquer à bord du « Sun Boat ». Parfois, quelques Casques Bleus étaient du voyage. Ces militaires observaient d’un œil amusé le voyage désorganisé des Libanais de retour au pays.

J’ai eu le pied marin très tôt.

La traversée durait une douzaine d’heures. Les cabines à couchettes étaient rares ; seuls quelques privilégiés y avaient accès. Certains voyageurs s’occupaient en jouant aux machines à sous du bar-restaurant. D’autres attendaient sur le pont qu’apparaissent les côtes et les montagnes jadis bien plus vertes de Jounieh et de Harissa.

Le « Sun Boat » était une sorte d’échantillon, un condensé de la société libanaise. Les émigrés revenaient d’Europe, d’Afrique ou des Amériques ; de France, du Sénégal ou des Etats-Unis. Certains arrivaient de contrées très lointaines. Qu’il est impossible de couper le cordon, malgré les complications du voyage et l'absurdité.

Certains revenaient dans l’espoir de monter une affaire au gré des accalmies périodiques ; d’autres espéraient passer des vacances calmes au sein de leurs familles. Fils prodiges et grands-pères nostalgiques s’y retrouvaient. Les voyageurs se parlaient et se racontaient des histoires et leurs expériences, ils sympathisaient et faisaient connaissance. Nous retrouvions parfois même des amis.

L’inquiétude et la fatigue se lisaient sur les traits des passagers. Nous ressentions néanmoins à chaque traversée une petite excitation à l’idée de voir le pays à l’Aube, ses montagnes et ses côtes ; nos montagnes et nos côtes.

Je m’endormais très souvent dans les bras de mes parents ou de mes sœurs.

Vers 5 heures du matin, nous étions au large de Jounieh. Nous apercevions au loin les tuiles rouges des maisons libanaises en pierre de taille.
Tout le monde était sur le pont. Je me réveillais lentement, au doux parfum du pays retrouvé.

Au fur et à mesure que le bateau s’approchait, l’on distinguait sur le quai la foule des badauds et des familles venues accueillir leurs proches que la guerre avait éloignée.

Le bruit d’une agréable cohue parvenait à nos oreilles.

Enfin, les « vacances » commençaient. Je ne voulais plus songer à Chypre, au retour, à l’angoisse d’une traversée. Je ne voulais plus revoir Larnaka. Aujourd’hui encore.

jeudi 19 juin 2008

La tabboulé géante

Le « lundi 14 Mars 2005 » aurait-il finalement accouché d’une souris ?

Un million de Libanais de tous bords s’étaient réunis ce jour-là. Une partie est effectivement venue manifester sa « libanité », son désir de liberté, son ras-le-bol d’un régime inféodé et corrompu, son rejet de l’occupation.

C’était beau, mais ce n’était pas que cela. D’autres compatriotes ce même jour réclamaient peut-être autre chose.
Je me dis qu’en fin de compte, c’était une tabboulé géante ou tout le monde y allait de son slogan et de son ingrédient.

« Rendez-nous le Général, rendez-nous l’embastillé, rendez-nous les barbus, libérez untel… »

En revanche, l’autre tabboulé du 8 Mars était bien plus indigeste et m’était restée sur l’estomac.
« Merci Syrie. Merci d’avoir persécuté, humilié, torturé, exilé, spolié, volé et abruti tout un pays. Merci, on t’kiffe grave, foi de barbu ».
Il s'en suivit une longue période de bras de fer, d'assassinats et d'attentats, de blocages institutionnels, de sit-in, deux guerres, des ballets diplomatiques, beaucoup de mauvaise foi de la part des deux camps...

Après la mini-guerre civile de Mai 2008, les chefs de partis, les chefs de clans et de famille, les barbus locaux ont été vite pardonnés sans même avoir demandé pardon. Tout comme à l’issue de la méga-guerre civile.

Bref, au Liban, le pardon se brade.

Nos dirigeants ont fait croire qu’ils s’étaient rabibochés à Doha.

Il n’y a pourtant pas encore de gouvernement. Nos épiciers locaux se disputent portefeuilles et tapis ministériels. « Bassita », le Liban a presque survécu sans Président de la République pendant six mois ; il peut se permettre un vide institutionnel de plus jusqu’aux prochaines législatives… chiche !

Pourtant, la Bekaa s’enflamme. Les tensions sont confessionnelles. Calottes et turbans s’en mêlent. Certains veulent en découdre, qu’ils soient téléguidés ou simplement ennuyés de rester bras ballants. Les forums de discussion sur internet dégorgent de propos haineux, racistes et belliqueux.

Pour l’instant, nous feignons de ne pas voir. Il faut tout d’abord sauver l’été, et permettre aux touristes et Libanais d’Outre-Mer de venir dépenser leurs dollars dans les bars, boîtes, bordels et hôtels beyrouthins.

Passée la saison estivale, que nous réservera Septembre ?

Les Libanais donnent de plus en plus l’impression d’être en désaccord sur tout. Il leur reste sans doute la mémoire courte pour trouver un terrain d’entente.

Where I End and You Begin


B. from M.T.
Décembre 2007

jeudi 12 juin 2008

Découvertes et retrouvailles

Enfant, je n’aimais pas Beyrouth. Elle était synonyme de poussière, d’immeubles grisonnants et criblés au millimètre.

L’atmosphère y était pesante et, à la nuit tombée, les rues se vidaient. Les réverbères, souvent allumés en plein jour et en pleine pénurie d’électricité, s’éteignaient avec l’arrivée de l’obscurité… implacable logique libanaise.

Il sortait des rares foyers éclairés le son des journaux télévisés de TéléLiban ou de la LBC. Un générique au synthé annonçait les caricatures de Pierre Sadek et s’entendait dans tout le quartier.

Ses nuits d’été sentaient le katol, étaient longues, étouffantes et moites.

Très vite, nous avons cessé d’y estiver, par souci de confort pour notre famille nombreuse mais également de sécurité. Nous préférions nous entasser à six dans un « chalet » en bord de mer à quelques lieues de la capitale. Celle-ci n’était jamais très loin. Elle était même en face. Par temps clair, nous en apercevions la forme des immeubles.
La première fois que je redécouvris Beyrouth, j’avais dix ans. C’était un dimanche après-midi d’été.

Mon Père conduisait notre vieille Mercedes blanche 280SE modèle 1970 qui se frayait un chemin entre les herbes folles et les murs de sacs de sable. Nous étions au cœur de la ville qui, disait-on, allait pouvoir se réveiller de son long cauchemar de quinze années.

La voiture s’immobilisa. « Yallah, descendez les enfants » dit ma Mère d’une voix basse, comme pour ne pas réveiller quelque âme égarée. Mon frère, mes soeurs et moi nous exécutâmes.

La guerre était bien terminée. A dix ans, je me demandais qui des gentils ou des méchants avait gagné.

De rares curieux s’aventuraient entre les égoûts éventrés, les immeubles hantés et les ruelles encore minées. Quelques vendeurs de ballons déguisés tentaient de redonner vie à la ville morte. Un vendeur de « quatre saisons » offrait rafraîchissements et cafés turcs espérant profiter de la manne que la nouvelle attraction pouvait lui apporter.

La terre très fertile était rouge.
Les immeubles alentours n’existent plus aujourd’hui.

Au milieu d’un terrain un peu vague trônaient les statues des Martyrs trouées par les balles perdues et volontaires. Je me demande encore ce qu’elles pensent. En les regardant, je m’aperçois qu’elles donnent l’impression de vouloir s’interposer entre belligérants, malgré les balles et les bombes.
La ville totalement rasée semblait m’en cacher une autre qui m’était encore inconnue.

De toute cette visite, j'en retiens surtout le silence : celui de la ville détruite et celui de mes parents la redécouvrant.

Depuis pourtant, nous sommes retournés à Beyrouth ; et malgré son élégante laideur, je l’ai dans la peau.

JP A.

jeudi 29 mai 2008

La radio de mes parents

Un soir, je marchais avec un ami dans les rues mal éclairées de Londres. Nous nous racontions notre perception des derniers évènements (quel doux euphémisme) de Beyrouth.

« Quel formidable outil, Internet ! »

Effectivement. À chacun sa méthode pour se tenir informé de nos jours.
Les blogs pullulent sur la toile, nous informant en temps et en heure des derniers développements. Les dépêches des agences de presse tombent régulièrement. Les journaux télévisés sont rediffusés sur la toile tantôt en direct, tantôt en différé si bien que nous avons vu et revu les mêmes éditions des dizaines de fois.

Bref.
Mais le plus formidable, n’est-il pas de pouvoir écouter les radios, et plus particulièrement celles émettant à partir du Liban. Mon ami me racontait que les jingles de certaines radios n’avaient pas vraiment changé, ou tout au plus, avaient été réadaptés et modernisés.

Cela fait longtemps que je ne les écoute plus les radios libanaises.

Nous sommes donc partis dans de brèves imitations de ces jingles qui avaient, d’une certaine manière, marqués nos enfances respectives et qui nous donnaient le sourire.
Il était étonné de voir que moi-même l’émigré-expatrié les connaissait par cœur.

Oui, je les connais par cœur ces inquiétants jingles de radio, ces génériques d'émissions.

Avant la télévision par satellite, l’information n’étant pas ce qu’elle est devenue aujourd’hui, il était essentiel pour les Libanais installés à l’étranger de s’informer très vite.
Les coups de téléphone « n’accrochaient » pas, il n’y avait jamais de « khat », de tonalité. Il fallait s’informer au plus vite du « flash » au moment où il tombait. Savoir si la famille, les proches ou les amis étaient exposés au danger relaté.

Le « flash », un terme que je déteste parce qu’il claque à mes oreilles… et parce qu’aussi annonciateur de mauvaises nouvelles.

Le meilleur moyen était donc la radio.
La nôtre ne sert plus depuis des années mais mes parents l’ont gardé quelque part, au fond d’un débarras. Nous l’allumions tous les soirs avant ou pendant le dîner.
Toute ma famille était alors réunie.

Nous attendions ce fameux jingle.

Notre radio était de couleur noire et de marque National (si je ne me trompe pas), avait quelques boutons de couleur grise pour régler la fréquence ainsi qu’une sorte de planisphère bleu représentant les fuseaux horaires.
Mon père déployait la longue antenne de celle-ci et, portant le lourd engin à bout de bras ou parfois au-dessus de sa tête, essayait de capter une timide onde qui daignerait passer du côté du Golfe Persique. Il fallait parfois monter sur le canapé pour pouvoir capter une onde à hauteur du plafond.

Le silence se faisait alors; nous tendions l’oreille. La voix parfois inaudible et monocorde du journaliste émergeait au milieu de la friture.

Les informations tombaient en arabe. Mon père écoute religieusement en jouant avec sa moustache, ma mère une cigarette à la main essaye de me cacher ainsi qu’à mon frère et mes sœurs son angoisse.

« Jingle… Voiture piégée… friture… Beyrouth Est… francs-tireurs… FLASH… bataille… syriens… Musée… Ring… bombardements… secteurs…civils… Beyrouth Ouest… FLASH… Jounieh… Aéroport fermé… enlèvements… attentats… FLASH…victimes… friture… jingle… friture… »

Mes parents sortaient de cette séance radiophonique comme sonnés. Point de langage codé comme du temps de la B.B.C. Londres. Les mots étaient directs, horriblement simples et crus.

Nous nous inquiétions pour notre famille. Nous observions, écoutions le naufrage.

Jingle de fin.
Il ne me fait finalement pas vraiment sourire… mais provoque encore comme une douleur, une boule dans mon ventre.

JP A.

mercredi 21 mai 2008

Le Liban est un rubicube

Aujourd'hui, le Liban semble se diriger vers une "sortie de crise" qui dure depuis près de 18 mois.
18 mois pour parvenir à un accord... 18 mois pour résoudre le(s) problème(s) de ce petit pays habité par autant de communautés religieuses.
A supposer qu'ils aient été réellement réglés.
Que dis-je 18 mois?! 18 ans!
Après avoir exaspéré les Libanais, nos marchands de tapis politiques ont décidé d'aller exaspérer les Qatariotes, en leur tendant le rubicube libanais.
L'exaspération vient certainement du fait qu'alors que tout le monde était d'accord sur la personnalité devant exercer les fonctions de Président de la République en Ruine, personne n'arrivait à l'y mettre.
En l'espace de cinq jours à Doha, des communiqués et des dépêches aussi optimistes que pessismistes se sont succédés. A croire que certains ne voulaient pas se mettre d'accord.
Rééquilibrage? Elections? Cooptation? Loi électorale? Majorité qualifiée ou simplette? Résistance nationale ou islamique?
Attendons voir. Restons optimistes. Inchallah kheir comme on dit.
Une nouvelle page s'écrit peut-être, avec tous les Libanais sans exclusion, ceux imberbes et ceux à la pilosité au menton douteuse.
Aujourd'hui, nous pourrons nous gaver de baklawa au son inquiétant des feux d'artifice pour fêter cet accord...
En espérant que personne ne tente de (re)jouer avec le rubicube libanais...
JP A.

Le soleil s'est levé...bienvenue!

Ça y est... j'ai cédé à la tentation.
Celle d'écrire, encore et encore...
Au départ, assez sceptique quant à l'utilité d'un Blog, je m'aperçois qu'il constitue aujourd'hui un formidable outil d'échange de notre temps, un espace de réflexion, d'expression libre et éclairée (si possible... biensûr), et de témoignage.
Pourquoi "Un Blog Levantin"?
Le terme "levantin" désigne les habitants du Proche-Orient, et plus particulièrement, les sujets des sultans ottomans à partir du XIXème siècle.
Au fil des générations, des guerres et des paix, certains levantins se sont dispersés, ont émigrés ou se sont réfugiés dans des pays lointains ou plus proches. D'autres se sont enracinés à leurs terres davantage.
Et l'Histoire semble toujours se répéter.
Aujourd'hui, j'ai le cul entre deux, trois, voire quatre chaises.
Je ne suis peut-être pas véritablement un Levantin; je le suis peut-être. Je m'en rapproche sûrement... Moi-même je ne sais pas!
Mon regard se porte toutefois de l'autre côté de la Méditerranée. Vers cette région où le soleil se lève, vers le Levant.
Go East!
Pas de frontières.
Le champ de ce Blog ne se limitera donc pas au Levant, à l'Orient, ou plus particulièrement au Liban même si j'y puise mon inspiration; mes racines s'y trouvent.
Je vous souhaite une agréable lecture.

Ici Londres... les carottes sont cuites... je répète... les carottes sont cuites...

Ecrit le 14 Mai 2008.

- « Tu es du 14 Mars ou du 8 Mars ? »

- JE T’EMMERDE CONNARD !

Les jours et les nuits blanches passent. Je fais, refais, défais le Liban, son passé et son avenir jusqu’au petit matin.

Je cherche à m’en tenir aux conséquences à court ou moyen terme de ces derniers évènements. A leurs conséquences sur le Liban, uni et indivisible, libre, souverain et indépendant du « Lundi 14 Mars 2005 ».

Le méchant, c’est toujours celui d’en face ; et celui au milieu, on y a pensé ? Libanais étranger à toutes ses querelles de pouvoir va une fois de plus se retrouver au milieu de tout cela… à moins qu’il ne décide de mettre les voiles à jamais.

Je suis en colère et je n’ai même plus la force de prier. Prier pour qui ? Pour quoi ? Pour quelle idée du Liban ? Si demain le calme y revient ainsi qu’un semblant de paix, il reste qu’il y aura comme un arrière-goût pourri à tout cela. Les vieux démons du passé ont déjà ressurgi. Les lignes de fractures se sont déjà formées. On parle de crise politique en en dessinant des contours strictement communautaires. Cherchez l’erreur.

Je suis en colère parce que certains tolèrent et feignent de ne pas voir ce qui se passe. Jadis cernés par Israël, et la Syrie, nous voilà même menacés par nos propres frères. Les portraits d’un certain dictateur Syrien zozotant sont de retour à Beyrouth. Ni Est, ni Ouest, mais Beyrouth que je ne veux pas diviser ; je refuse la ligne verte.

On brûle des médias, et certains ne s’insurgent pas simplement parce qu’il s’agit du camp adverse. Cautionnent-ils ce qui fut fait à la MTV ? Cautionnent-ils ne serait-ce qu’une seule chose de ce qui s’est déroulé ? Tout ? Pas tout ? Ah bon… je ne savais pas qu’il y avait un menu et que l’on pouvait choisir son « forfait ».

Propagande et contre-propagande… les maîtres mots dans cette guerre civile froide, cette guerre subversive, sous-traitée à de probables traîtres.Je ne veux plus croire personne, je ne sais plus en qui croire.

Débranchez la télé et les « akhbar » et réfléchissez un peu.

Le temps des miliciens et des cow-boys encagoulés est de retour : RPG, Kalach, M16, drapeaux jaunes ou verts ou noirs fascisants. « Ils n’oseront pas retourner leurs armes contre les Libanais » disait-on… Et aujourd’hui, on se confond encore en excuses et prétextes pour justifier qu’ils l’aient fait : « Ils n’avaient qu’à pas nous chercher ».Une armée qui ne tire pas et ne s’opposera pas à l’assaut des illogiques car elle pense jouir pour l’éternité d’une aura populaire.Blocus du Port et de l’aéroport, des principaux axes. Tous les ingrédients du "parfait petit coup d'état étaient réunis", n'en déplaisent à certains.

Je suis en colère parce que beaucoup de martyrs se retournent dans leurs tombes. Je ne parle pas seulement des Martyrs tombés récemment, mais plutôt des Anonymes. Ceux tombés un 13 Octobre 1990 par exemple, parce qu’ils ont cru en un homme et en une certaine idée du Liban.

Israël, Syrie, Hezbollah : même combat. Celui d’un travail de sape savamment et habilement orchestré (bravo!). Un travail qui aura brisé l’élan et les espoirs de ma génération. Parce que nous n’étions pas suffisamment forts pour affronter l’Histoire, parce que nous avons (re)suivi les mêmes hommes obnubilés par l’intérêt de leur petite personne, parce que nous avons été naïfs.

Parce que nous ne sommes pas seulement un peuple de moutons, mais également d’autruches.

Je ne défends personne, je ne cautionne personne et je n'excuse personne.

Je vais me coucher. Le soleil vient de se lever.

JP A.