jeudi 19 juin 2008

La tabboulé géante

Le « lundi 14 Mars 2005 » aurait-il finalement accouché d’une souris ?

Un million de Libanais de tous bords s’étaient réunis ce jour-là. Une partie est effectivement venue manifester sa « libanité », son désir de liberté, son ras-le-bol d’un régime inféodé et corrompu, son rejet de l’occupation.

C’était beau, mais ce n’était pas que cela. D’autres compatriotes ce même jour réclamaient peut-être autre chose.
Je me dis qu’en fin de compte, c’était une tabboulé géante ou tout le monde y allait de son slogan et de son ingrédient.

« Rendez-nous le Général, rendez-nous l’embastillé, rendez-nous les barbus, libérez untel… »

En revanche, l’autre tabboulé du 8 Mars était bien plus indigeste et m’était restée sur l’estomac.
« Merci Syrie. Merci d’avoir persécuté, humilié, torturé, exilé, spolié, volé et abruti tout un pays. Merci, on t’kiffe grave, foi de barbu ».
Il s'en suivit une longue période de bras de fer, d'assassinats et d'attentats, de blocages institutionnels, de sit-in, deux guerres, des ballets diplomatiques, beaucoup de mauvaise foi de la part des deux camps...

Après la mini-guerre civile de Mai 2008, les chefs de partis, les chefs de clans et de famille, les barbus locaux ont été vite pardonnés sans même avoir demandé pardon. Tout comme à l’issue de la méga-guerre civile.

Bref, au Liban, le pardon se brade.

Nos dirigeants ont fait croire qu’ils s’étaient rabibochés à Doha.

Il n’y a pourtant pas encore de gouvernement. Nos épiciers locaux se disputent portefeuilles et tapis ministériels. « Bassita », le Liban a presque survécu sans Président de la République pendant six mois ; il peut se permettre un vide institutionnel de plus jusqu’aux prochaines législatives… chiche !

Pourtant, la Bekaa s’enflamme. Les tensions sont confessionnelles. Calottes et turbans s’en mêlent. Certains veulent en découdre, qu’ils soient téléguidés ou simplement ennuyés de rester bras ballants. Les forums de discussion sur internet dégorgent de propos haineux, racistes et belliqueux.

Pour l’instant, nous feignons de ne pas voir. Il faut tout d’abord sauver l’été, et permettre aux touristes et Libanais d’Outre-Mer de venir dépenser leurs dollars dans les bars, boîtes, bordels et hôtels beyrouthins.

Passée la saison estivale, que nous réservera Septembre ?

Les Libanais donnent de plus en plus l’impression d’être en désaccord sur tout. Il leur reste sans doute la mémoire courte pour trouver un terrain d’entente.

1 commentaire:

'Tsuki a dit…

J'aime beaucoup votre point de vue sur la politique libanaise, parce que française j'ignore passablement ce qui se passe au moyen-orient à moins que les médias n'attirent mon attention dessus, pour d'obscures raisons en général liée de façon indirect au trafic d'armes et à l'écoulement de stocks militaires (J'ai honte parfois de mon pays. Enfin souvent... Du coup je ne m'informe plus que par internet, pour avoir une vision de ce qui se passe sur place, parce que le parti pris des médias m'horripile).

Bref : vous m'ouvrez par vos écrits un horizon une vision neuve de la situation au proche orient et ça me fait beaucoup de bien.