
Le film étant sorti depuis quelques mois, seule une dizaine de cinémas parisiens projetait encore le film d'Ari Folman.
Je me retrouve au cinéma Lincoln près des Champs-Elysées dans une belle salle de projection aux sièges rouges... seul dans la salle, ajoutant une sorte de solennité à ce moment de cinéma où je m'attendais à en prendre pour mon grade.
"Merde, me dis-je"
Le film a commencé. Je suis toujours seul dans la salle et personne d'autre ne viendra.
Esthétiquement, il s'agit d'un très beau film. La musique y est également sublime. Le film vu en version originale me permet de découvrir une belle langue ressuscitée, cousine de l'Arabe.
Il s'agit, à mon sens, d'un film portant beaucoup plus sur la société israélienne et de sa jeunesse face à la guerre. En gros, voila des gosses de 18 - 20 ans qui se retouvent au front sans trop savoir pour quelles raisons, partant presque la fleur au fusil à la guerre.
C'est un film sur la mémoire, ou sur l'oubli. Pour certains, il marque la fin de l'innocence Israélienne face aux massacres de Sabra et Chatila... pour ne pas lâcher le mot "complicité".
Dans un premier temps, je sortis de la salle obscure presque abasourdi par le film et content d'en avoir eu pour mon argent.
Et puis, j'ai pris un peu plus de recul... et cela m'a paru trop facile. Facile de dire qu'on ne savait pas, qu'on ne voyait pas, que les soldats de Tsahal n'étaient pas au courant, qu'il faisait nuit, que certaines choses étaient bizarres, qu'on a oublié, ou qu'on ne veut pas se souvenir.
Cela m'a également paru dangereux face à une opinion publique ignorant l'Histoire, encline à de rapides raccourcis et s'étonnant que la Palme d'Or à Cannes lui ait échappé.
Pourquoi seuls les autres doivent-ils supporter la responsabilité de ce massacre, la honte et la culpabilité? Pourquoi n'ont-ils jamais été tenus responsables par le reste du monde?
Il ne s'agissait pas du fait d'un seul homme, mais de toute une armée d'occupation venue nettoyer une terre et des hommes.
Une armée toujours occupante et un homme qui devint plus tard Premier Ministre, dans l'ouli général de ces hauts faits d'arme visiblement...
Sabra et Chatila n'empêcha pas Jénine ou Cana. Alors à quand un film sur Jénine et Cana?
La voici la responsabilité israélienne. Elle a constamment été vécue par procuration.
Et puis, je suis allé voir un film Palestinien: "Le Sel de la Mer", financé par la terre entière sauf par des fonds de "voisinage".
Le film retrace le voyage d'une jeune femme palestinienne née aux Etats-Unis à la recherche de ses racines.
Dès son arrivée à l'aéroport de Tel-Aviv, les douanières blondes aux yeux clairs lui font ressentir qu'une brune à la peau mate et au nom arabe n'a rien à faire ici, malgré son passeport Américain.
Les check-points, les bouclages de territoire, les fouilles au corps, l'honteux mur "anti-terroriste", les couvre-feux... l'appartheid.
Il ne s'agit pas de clichés mais d'une réalité que l'on veut cacher, dont on ne parle plus ou avec une sémantique journalistique qui n'interpelle plus car devenue banale.
Il s'agit d'un film simple, montrant la vie quotidienne des Palestiniens à travers le voyage d'une femme sur la trace de sa maison familiale à Jaffa, dont même le nom n'existe plus.
Ce n'est pas un film triste, mais plein d'espoir et de nostalgie. Il y a de la colère sans haine, de la sincérité sans hypocrisie. De l'humanité et de la révolte.
Il ne s'agit pas d'un film sur la mémoire palestinienne. Il est difficile pour les Palestiniens de regarder le passé puisque le passé c'est encore le présent; que les massacres, les humiliations et les frustrations continuent.
Voilà pourquoi un film sur la mémoire israélienne des massacres de Sabra et Chatila me parait trop facile.
Parce que l'histoire de la Palestine ne se réduit pas seulement à Sabra et Chatila.